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Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/174

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poste contre tous les efforts dont les Espagnols sont capables dans ces Quartiers. Cette Ile est aussi presque par-tout escarpée du côté du Port, et on a six brasses d’eau tout près de la Côte, desorte que la Pinque étoit ancrée à vingt toises de terre : et il seroit difficile de couper ou d’aborder au Vaisseau protégé à cette distance, par des gens bien postés à terre, dans un lieu presque inataquable. Tous ces avantages rendent ce lieu digne d’être reconnu avec plus d’exactitude et d’attention, qu’il ne l’a encore été ; et il est à espérer que l’usage, dont il peut être, n’échapera pas à l’attention du Public et de ceux qui ont la direction de notre Marine.

Cette Description devroit naturellement être suivie du récit des découvertes que fit l’Equipage de la Pinque, aux environs de cette Baye, et des avantures de ces gens pendant deux mois qu’ils y séjournèrent. Mais ils étoient en trop petit nombre, pour détacher une partie de leur monde, et l’envoyer un peu loin. Ils avoient peur et des Espagnols et des Indiens, et n’osant perdre leur Vaisseau de vue, leurs courses se bornoient aux terres qui bordent le Port. D’ailleurs, le Païs des environs est si couvert de Bois et si rempli de Montagnes, qu’il est fort difficile d’y pénétrer ; ainsi ces gens ne se trouvoient pas du tout en état de reconnoitre le dedans du Païs. Tout ce qu’ils en savent, c’est que certainement les Auteurs Espagnols nous en imposent, quand ils représentent cette Côte, comme habitée par un Peuple nombreux et redoutable. Cela n’est sûrement pas vrai, au moins pendant l’hiver, car durant tout le tems que nos gens y restèrent, ils ne virent qu’une seule famille d’Indiens, qui vint dans ce Port en pirogue, environ un mois après l’arrivée de la Pinque. Cette famille étoit composée d’un homme d’autour de quarante ans, de sa femme, et de deux enfans, dont l’aîné pouvoit avoir trois ans, l’autre étoit encore à la mamelle. Ils avoient apparemment avec eux toutes leurs richesses, consistant en un Chien, un Chat, un Filet à pecher, une Hache, un Couteau, un Berceau, quelques écorces d’arbre pour se huter, un Dévidoir, passablement usé, un Caillou, un fusil à battre du feu, et quelques racines jaunes de très mauvais goût, qui leur servoient de pain. Le Maitre de la Pinque, dès qu’il les apperçut envoya son Canot, qui les amena à bord, où il les retint de peur qu’ils n’allassent le découvrir : il eut soin néanmoins qu’ils ne fussent maltraités en aucune sorte ; pendant le jour ils étoient tout-à-fait libres sur le Vaisseau, et la nuit seulement on les renfermoit, dans le Château d’avant. Ils mangeoient avec l’Equipage, qui en agissoit fort bien avec eux, et on