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CHAPITRE XIV


Réfléxions sur ce que notre Escadre auroit pu faire dans la Mer du Sud, si elle y étoit arrivée à tems.


Après avoir fait le récit de nos avantures, sur les Côtes du Pérou et du Méxique, j’espère qu’on me pardonnera la digression que je vais faire, et que je destine à l’examen de ce que notre Escadre eût été capable d’effectuer, si elle étoit arrivée dans ces Mers, en aussi bon état qu’elle l’auroit probablement été, en cas qu’elle eût entrepris le passage du Cap Horn dans une Saison convenable. Cette discussion pourra fournir des idées utiles à ceux qui voudront former à l’avenir, des Plans d’opérations pour ces Quartiers du Monde, et à ceux qui sont chargés de l’exécution de pareils projets. J’ai donc dessein d’employer ce Chapitre à faire voir les grands avantages, que la Nation eût pu tirer de l’envoi de notre Escadre, si elle étoit partie d’Angleterre quelques mois plutôt.

Je suppose d’abord, que, dans la belle saison, nous aurions pu doubler le Cap Horn et entrer dans la Mer du Sud, sans diminution de nos Equipages, et sans dommage important dans les Corps de nos Vaisseaux et dans leurs Agrés. Le Duc et la Duchesse, Armateurs de Bristol, qui avoient ensemble plus de trois cens hommes d’Equipage, n’en perdirent que deux dans le voyage, depuis la Côte du Brézil, jusqu’à l’Ile de Juan Fernandez, et de cent quatre-vingt-trois hommes, qui étoient à bord du Duc, il n’y en avoit que vingt et un malades du Scorbut, lorsqu’ils arrivèrent à cette Ile. Or comme des Vaisseaux de guerre sont mieux pourvus de tout, que des Armateurs, nous aurions pu sans doute arriver devant Baldivia, avec toutes nos forces et en état d’agir immédiatement. Cette Place étoit tout-à-fait sans défense, le Canon hors d’état de servir, la Garnison presque sans armes, et ses Habitans, dont une bonne partie sont des Malfaiteurs, exilés en cet endroit, dans la misère. Tout cela n’étoit pas en état de nous résister, et Baldivia ne pouvoit guère tarder à se rendre. Maitres de cette Place, dont le Port est excellent, nous devenions d’abord redoutables à tout le Chili ; et nous donnions de l’inquiétude aux Provinces les plus reculées du vaste Empire des Espagnols, dans l’Amérique : il n’étoit nullement impossible que nous ne l’eussions é-