Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/397

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grosses Planches, dont le vuide joignoit l’Ecoutille du prémier Pont, à celle du second : ces Tuyaux facilitoient l’entrée de l’air à fond de Cale, et en même assuroient nos Gens contre toute entreprise de leurs Prisonniers ; car il leur eut été fort difficile de déboucher par ces Tuyaux, qui avoient sept à huit piés de haut, et pour augmenter cette difficulté, quatre Pierriers, chargés de balles de Mousquets, étoient braqués contre l’ouverture de chacun de ces Tuyaux, et des Sentinelles, la mèche allumée à la main, devoient y mettre le feu, au prémier mouvement des Espagnols. Leurs Officiers, au nombre de dix-sept ou dix-huit, étoient logés dans la chambre du prémier Lieutenant, avec une garde de six hommes ; et le Général blessé, couchoit dans la chambre du Commandeur, avec une Sentinelle auprès de lui. Tous ces Messieurs étoient bien avertis que le moindre trouble, qu’ils exciteroient, seroit puni de mort sur le champ. Toutes ces précautions n’empêchoient pas que l’Equipage du Centurion ne se tînt toujours prêt, à la moindre alarme ; tous les Fusils étoient bien chargés et placés dans des lieux convenables ; les Matelots ne quittoient point leurs sabres, ni leurs Pistolets, et tous les Officiers, sans se deshabiller pour se coucher, ne dormoient qu’avec leurs armes prêtes, à côté d’eux.

Nulle de ces précautions ne paroitra inutile, si on considère le risque que couroient le Commandeur et ses Gens à être moins sur leurs gardes. Il est vrai que les souffrances de ces pauvres Prisonniers faisoient pitié, quoiqu’il n’y eût pas moyen de les soulager : le tems étoit excessivement chaud ; la puanteur à fond de Cale alloit au-delà de ce qu’on peut s’imaginer ; et la ration d’eau qu’on donnoit aux Prisonniers, se trouvoit à peine suffisante pour les empêcher de mourir de soif, puisqu’elle n’étoit que d’une pinte par jour. On ne leur en pouvoit donner davantage dans un tems où l’Equipage même en étoit réduit à une pinte et demi. Il est surprenant qu’une misère aussi affreuse n’en fit pas mourir un seul, durant un voyage assez long : Les trois seuls de ces Prisonniers qui perdirent la vie, moururent de leurs blessures, et cela dès la prémière nuit qu’ils furent pris. Mais il faut avouer aussi qu’un mois de cette rude prison métamorphosa étrangement ces pauvres Gens : quand ils y entrèrentils paroissoient frais et vigoureux, et lorsqu’ils en sortirent, ce n’étoit plus que des squelettes, ou des phantômes.

Tandis qu’on étoit occupé à s’assurer des Trésors et des Prisonniers, le Commandeur fit porter à route vers la Rivière de Canton ; et le 30 de