Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/413

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où il en vouloit venir ; il lui demanda s’il n’avoit pas reçu du Truchement, la somme qu’il lui avoit promise, à ce sujet, et ayant appris que non, il s’offrit de la lui compter sur le champ. Le Mandarin, qui voyoit moyen d’avoir quelque chose de plus, le remercia, et dès le lendemain le Truchement fut saisi, et fut sans doute obligé pour se racheter, de délivrer tout ce qu’il avoit gagné au service du Commandeur, ce qui pouvoit bien monter à deux mille Piastres. Outre cela, il reçut une si forte Bastonnade, qu’il eut bien de la peine à en revenir : et lorsqu’il vint gueuser après cela, auprès de Mr. Anson, et que le Commandeur lui remontra la folie qu’il y avoit à affronter un châtiment si sévère, pour cinquante Piastres, qu’il avoit volées au Mandarin, le misérable s’excusa sur le penchant invincible que sa Nation a pour la friponnerie, en disant dans son mauvais Anglois : En vérité les Chinois grands coquins, mais c’est la mode ; n’y a remède.

Ce seroit un ouvrage sans fin que de raconter les artifices, les extortions, et les fourberies de cette canaille avide, à l’égard du Commandeur et de ses Gens. L’usage est à la Chine de tout vendre au poids, les tours dont les Chinois s’avisoient, pour rendre plus pesantes toutes les Provisions qu’ils vendoient à l’Equipage du Centurion, sont presque incroyables. On avoit un jour acheté un grand nombre de Poules et de Canards, dont la plupart moururent d’abord. On eut peur qu’ils ne fussent empoisonnés ; mais en les examinant, on vit d’abord que le prétendu poison n’étoit qu’une excessive quantité de cailloux et de gravier, dont les fripons de Chinois les avoient farcis, pour les rendre plus pesans. La plupart des Canards en avoient dix onces chacun dans le corps. Les Cochons, qu’on achetoit tout tués des Chinois, étoient pleins d’eau, dont les Bouchers les avoient injectés ; et quand on les avoit laissés pendre pendant une nuit, pour faire écouler cette eau, ils pesoient huit livres de moins, On n’en étoit раs mieux pour les acheter en vie : les Chinois leur faisoient manger force sel, pour les faire boire à l’excès ; ils prenoient en même tems de bonnes mesures, pour les empêcher de se défaire de toute cette eau par la voie des urines, et les vendoient dans cet état. Lorsque le Commandeur partit pour la prémière fois de Macao, les Chinois lui jouèrent un autre tour. Ces Gens ne font aucune difficulté de manger de la viande d’une Bête morte naturellement, ils eurent soin, par quelque artifice, de faire ensorte que tous les Animaux, qu’ils avoient vendus, et qui avoient été embarquée en vie à bord du Centurion, mourussent en peu