Page:Walter - Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 1, 2, 3, 4, 1749.djvu/412

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si lucratif pour ceux qui l’infligent. Mr. Anson n’étoit pas fâché de voir ces Mandarins dans cette perplexité, et il se divertit à les y tenir quelque tems. Il rejetta leurs offres avec mépris, parut inexorable à leurs prières, et prononça derechef que le Voleur seroit arquebusé, mais comme il prévoyoit qu’il seroit obligé de relâcher encore une fois dans ces Ports, et que l’ascendant que cette avanture lui donnoit sur ces Mandarins, pourroit lui être utile, il se laissa enfin persuader, et consentit à relâcher le coupable ; ce qu’il ne fît pourtant qu’après que tout eut été restitué à l’Officier volé, jusqu’à la moindre bagatelle.

Cependant, malgré la bonne intelligence qui règne à le Chine entre les Magistrats et les Voleurs, comme le prouve l’exemple que je viens d’alléguer, il faut avouer qu’elle se rompt quelquefois, et que l’esprit intéressé des Chinois les porte de tems en tems à priver leurs Protecteurs de la part du pillage qui leur revient. Peu après l’avanture que je viens de raconter, le Mandarin, qui avoit inspection sur les Vivres, fut relevé par un autre. Mr. Anson perdit un Mât de Hune, qui flottoit à l’arrière du Vaisseau, et quelques recherches que l’on fît, on ne put savoir ce qu’il étoit devenu. On l’avoit emprunté à Macao, pour s’en servir à mettre le Vaisseau à la bande ; il n’y avoit pas moуеп d’еп racheter un semblable dans ces Quartiers. Mr. Anson, qui avoit extrêmement envie de le ravoir, pour le rendre à qui il appartenoit, promit une bonne récompense à quiconque le lui feroit retrouver. Il prit d’autant plus volontiers ce parti, qu’il ne douta pas dès le commencement, que ce Mât n’eût été volé. Effectivement peu de tems après, le Mandarin vint dire que ses Gens avoient trouvé ce Mât, et pria le Commandeur d’envoyer ses Chaloupes pour aller le rechercher. Cela fut fait, et les Gens du Mandarin reçurent la somme promise ; mais Mr. Anson dit à ce Magistrat, qu’il vouloit lui faire un présent, en reconnoissance des peines qu’il s’étoit données pour cette affaire. Le Commandeur chargea son Truchement du présent ; mais celui-ci, qui savoit que les Gens du Mandarin avoient reçu la somme qu’ils devoient avoir, et ignorant qu’on en eût promis une autre au Mandarin, garda cette dernière pour lui. Cependant le Mandarin, qui comptoit sur la promesse de Mr. Anson, et qui soupçonna ce qui étoit arrivé, prit un beau matin occasion de rappeller délicatement cette affaire ; il se mit à admirer la grandeur des Mâts du Centurion, et se ressouvenant fort à propos de l’histoire du Mât perdu, il demanda à Mr. Anson, s’il ne 1’avoit pas retrouvé, Mr. Anson senti