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étoit possible, ce Vaisseau en Europe, et dans cette vue, le firent raccommoder du mieux qu’ils purent. Mais la grande difficulté consistoit à trouver un nombre suffisant de Matelots pour faire ce voyage, tous ceux, qui étoient aux environs de Buenos Ayres, n’allant pas à une centaine. Ils tachèrent de remplir ce vuide en prenant par force plusieurs habitans de Buenos Ayres. Outre cela, ils envoyèrent a bord tous les prisonniers Anglois qu’ils avoient alors en leur puissance, avec un bon nombre de Contrebandiers Portugais qu’ils avoient pris en diverses occasions, sans compter quelques Indiens natifs du Païs. Parmi ces derniers se trouvoit un Chef avec dix des siens, qui avoient été surpris trois mois auparavant par un parti de Soldats Espagnols. Le nom de ce Chef étoit Orellana ; il appartenoit à une puissante Tribu, qui avoit bien fait des ravages tout alentour de Buenos Ayres. Ce fut avec cette troupe de gens ramassés de tous côtés, qui à l’exception des seuls Espagnols Européens, faisoient le voyage bien malgré eux, que Pizarro mit à la voile de Monte Vedio dans la rivière de la Plata, vers le commencement du mois de Novembre de 1745.

Comme les Espagnols natifs n’ignoroient pas, que l’Equipage forcé qu’ils emmenoient, partoit à contre-cœur, ils traitèrent de la manière la plus dure leurs prisonniers, tant Anglois qu’Indiens ; mais ce fut surtout sur ces derniers que leur humeur cruelle prit plaisir à s’exercer. C’étoit une chose ordinaire aux moindres officiers du Vaisseau de les frapper à toute outrance, sous les prétextes les plus légers, et simplement pour montrer leur autorité. Orellana et ses camarades, quoique patiens et soumis en apparence, se déterminèrent à tirer vengeance de tant d’inhumanités. Comme il parloit bien l’Espagnol qu’il avoit appris par le commerce, que les Indiens de ce Païs-là ont avec les habitans de Buenos Ayres en tems de paix, il lia conversation avec quelques Anglois, qui entendoient cette même langue, et parut fort curieux de savoir combien il y avoit de leurs Compatriotes à bord, et qui ils étoient. Il savoit que les Anglois étoient ennemis des Espagnols ; ainsi il se proposoit sans doute de leur découvrir son projet, et de leur faire prendre part à la vengeance qu’il méditoit, et par le moyen duquel ils pourroient tous recouvrer leur liberté ; mais les ayant sondés légèrement, et ne les trouvant pas aussi vindicatifs qu’il avoit cru, il ne s’ouvrit pas davantage à eux, mais résolut de n’avoir recours qu’à la valeur et l’intrépidité de ses dix compagnons. Ceux-ci, comme il parut, se soumirent volontiers à sa direction, et promirent d’exécuter fidèlement ses ordres. Après être conve-