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examen une impartialité et une attention proportionnées à l’importance de la chose ; ainsi l’on ne sait quel jugement l’on doit porter de ceux qui se sont conduits précisément d’une manière opposée, et qui ont manqué en cette occasion aux règles les plus sacrées de la prudence et de l’humanité. Je serois pourtant assez porté à croire, que cette conduite n’a point sa source dans des motifs aussi cruels qu’on pourroit se l’imaginer à la prémière vue ; mais j’aime mieux attribuer ce travers à un attachement opiniâtre et en quelque sorte superstitieux aux coutumes, qui ont été en vogue depuis longtems, et à une haine invétérée pour toutes les nouveautés, et en particulier pour celles, qui sont proposées par des hommes, qui ne sont pas gens de Mer. Mais revenons d’une digression, qu’on ne trouvега, à ce que j’espère, pas tout-à-fait mal placée.

Nous passames la Ligne avec un vent frais de S. E. le vendredi 28 de Novembre, à quatre heures du matin, étant alors à 27 degrés 59 minutes de Longitude Occidentale de Londres. Le 2 de Décembre, le matin, nous apperçumes un Navire au Nord-Ouest de notre Vaisseau, et fimes le signal au Gloucester et au Tryal de le poursuivre. Une demi-heure après toute l’escadre força de voiles, et vers midi le Commandant ordonna par un signal au Wager, qu’il eût à prendre à la toue la Pinque Anne. Mais ayant remarqué vers les sept heures du soir, que le Navire, sur lequel nous chassions, alloit aussi vite que nous, et que le Wager se trouvoit bien loin en arrière, nous fimes moins de voiles, et donnames aux autres Vaisseaux le signal de nous venir rejoindre. Deux jours après nous découvrimes encore une Voile, que nous reconnumes ensuite pour la même que nous avions déjà poursuivie inutilement. Nous lui donnames la chasse tout le jour, et même avec avantage, mais là nuit survint avant que nous pussions l’atteindre : ainsi nous fumes obligés de nous arrêter, pour rassembler notre Escadre dispersée. Nous étions d’autant plus piqués que ce Vaisseau nous eût échappé, que nous craignions que ce ne fût une Barque d’avis, qu’on envoyoit d’Espagne à Buénos Ayres pour y porter la nouvelle de notre entreprise. Mais nous apprimes dans la suite que nous nous étions trompés dans notre conjecture, et que c’étoit un Paquebot de notre Compagnie des Indes, destiné pour l’Ile de Ste. Hélène.

Le 10 de Décembre, étant suivant notre estime à 20 degrés de Latitude Méridionale, et à 36 degrés, 30 minutes de Longitude Occidentale de Londres, le Tryal nous avertit par un coup de Canon qu’il trouvoit fond. Nous jettames la sonde à l’instant même, et trouvames