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faire disparaître. Mais on se demande quel mobile a pu les pousser, au lieu de se borner à détacher et à prendre la bague, à ajouter à leur crime cette barbare et inutile mutilation.

L’amputation du doigt a d’ailleurs été pratiquée avec une habileté qui semble dénoter une personne ayant fait des études de médecine et de chirurgie ; et cette dernière hypothèse semble confirmée par une autre circonstance grave et mystérieuse.

Julia Russel paraît avoir été assassinée à l’aide d’un poison dont l’effet a dû être foudroyant, mais d’un de ces poisons qui ne sont connus que des médecins et des chimistes et qui tuent sans laisser de traces.

Le corps de la malheureuse femme a été immédiatement transporté à l’hôpital et l’enquête médicale confiée à M. le docteur X…, n’a encore donné aucun résultat.

Le seul fait qui paraisse dès à présent hors de doute, est que Julia Russel n’habitait pas le Canada. Une attentive étude de sa garde-robe a permis de constater que ses vêtements avaient dû être faits aux États-Unis. On a même trouvé sur le revers d’un manteau, le nom et l’adresse d’une maison de confection de New-York. Mais, une enquête demandée immédiatement par télégramme n’a produit et ne semble devoir produire aucun résultat. Julia Russel se cachait sans doute à New-York plus soigneusement encore qu’à Montréal, et elle n’aurait eu garde de donner à un marchand son véritable nom.

Si, comme tout porte à le croire, la femme au doigt coupé a été assassinée par un étranger, et si cet étranger a quitté Montréal immédiatement après le meurtre, il est à craindre que les recherches de la police ne soient désormais absolument vaines. Mais à supposer que les coupables échappent à la justice des hommes, ils n’échapperont point à la justice de Dieu !

Nous avons reproduit cet article en entier, parce qu’il nous a paru résumer, mieux que tous les autres, l’ensemble des constatations et l’état de l’opinion publique.

La Presse ayant avancé que l’amputation du doigt avait été faite avec l’habileté d’un chirurgien, on ne s’étonnera pas que le Monde, habitué à prendre le contrepied de son confrère, affirmât que cette mutilation avait été faite avec une maladresse qui dénotait une main absolument inexpérimentée.

Le même journal se plaignait, non sans quelque amertume, que le corps de Julia Russel eut été soustrait à la vue des représentants de la presse par un transport précipité.

Une autre feuille se livrait à de graves considérations sur