Page:Wanda - La femme au doigt coupé, 1886.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gagné.

Mais quand on ne fait rien pour alimenter son revenu, et que l’on a des goûts dépensiers, l’argent coule vite. En quelques mois, tout fut mangé. Félix vint alors à Montréal, afin de trouver d’autres mines à exploiter ; ce fut là qu’il connut Simon. Ils se rencontrèrent pour la première fois dans un cabaret de bas étage ; et peu de semaines après, ces deux âmes, bien faites pour se comprendre, avait associé leur fortune.

Quant à Simon c’était tout simplement un affreux bandit, Kentuckien d’origine, et ayant fait connaissance, aux États-Unis, avec une grande maison où les individus de son espèce sont logés aux frais du gouvernement, sur la recommandation de douze jurés. Il avait appartenu, à New-York, à une bande de malfaiteurs, dont faisait partie, avec lui, un anglais nommé Jack Crampton.

Par quelle série de chûtes Jack Crampton, qui était issu, en Angleterre, d’une famille riche et honorable, était-il tombé jusqu’à ce degré d’opprobre ? II serait trop long de le raconter ici. Disons seulement que la passion du jeu, l’ivrognerie et l’habitude des mauvaises sociétés avaient tout fait. Il existe, dans les bas-fonds des grandes villes, un plus grand nombre qu’on ne le croit communément de ces êtres déchus, auxquels tout souriait, au début de la vie, et qui ont pris le mauvais chemin.

Simon avait su que Jack Crampton avait épousé, dix-huit ans auparavant, dans le Middlessex, une jeune fille de la gentry, et que la jeune femme, torturée par cet indigne mari, abreuvée de dégoûts, en butte à d’incessantes demandes d’argent, n’avait cru pouvoir échapper à ses obsessions qu’en se cachant sous un faux nom, et en se séparant de son enfant. Crampton avait depuis longtemps dévoré la dot de la jeune femme, lorsque cette dernière vint à perdre ses parents et à devenir une riche héritière. Elle s’était jurée de ne pas laisser