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dépouiller leur unique enfant ; et, pour mettre son héritage à l’abri, elle avait résolu de ne pas le réclamer et de ne pas faire acte d’héritière, tant qu’elle serait exposée aux recherches de son mari. Mais elle redoutait, par dessus toutes choses, de lui voir mettre la main sur leur petite fille, car elle le savait capable de tout, et elle était convaincue que cet enfant serait une arme entre les mains de son mari, pour la torturer elle-même et lui extorquer de l’argent, et peut-être pour pis que cela.

Elle avait donc confié sa fille à une vieille bonne en qui elle avait toute confiance, et elle l’avait envoyée au Canada, en lui confiant, avec une modique somme d’argent, les papiers nécessaires pour permettre à sa chère petite fille de faire plus tard reconnaître son identité, si le malheur voulait qu’elle devînt orpheline avant l’âge de sa majorité.

Six mois avant l’époque où commence ce récit, Crampton, plus à bout de ressources que jamais, n’avait plus qu’un objectif unique : retrouver sa femme ou sa fille, et pratiquer sur elles, par n’importe quel moyen, une odieuse opération de chantage. Il s’était associé Simon, pour l’aider dans ses recherches, en lui promettant le partage des dépouilles de celle qui ne devait pas tarder, il l’espérait du moins, à être leur victime. Mais à la suite d’une rixe, dont la cause n’a jamais été bien éclairées, Crampton était mort fort à propos, à Chicago, au moment où Simon venait précisément de découvrir la piste des fugitives ; et ce dernier s’était trouvé, ainsi, l’héritier des secrets et des ténébreuses machinations de ce mari infâme, de ce père dénaturé.

Simon avait alors conçu, pour s’emparer en une seule fois de la fortune qu’il convoitait, un plan audacieux et hardi, qui ne consistait à rien moins qu’à supprimer la veuve de Crampton et à lui substituer une fausse héritière. Mais pour l’exécution de ce plan, il lui fallait des complices, et il s’était adressé à