Page:Wanda - La femme au doigt coupé, 1886.djvu/38

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— Ce n’est pas possible, dit Ben, je les ai pris d’après les indications les plus précises. Et prenant des mains de Jenny les documents en question, il y jetait les yeux, quand la jeune fille s’écria :

— Et puis, il y en a le double.

— Ça, c’est plus extraordinaire, dit Ben. Peut-être y en a-t-il d’autres, reprit-il, mais les tiens y sont, dans tous les cas. J’en suis sûr ; et la preuve, la voilà ! fit-il, en tendant à sa fiancée deux pièces qu’elle reconnut aussitôt. L’une était son acte de baptême, l’autre, la note manuscrite qui indiquait l’adresse du solicitor et les démarches à faire pour toucher l’argent.

— Mais, et les autres, alors ?

— Eh bien ! ils ont fait des petits, dit Ben, à qui la gaieté était revenue. C’est bizarre, fit-il, après les avoir examinés ; ils ont rapport à ton affaire ; on dirait que ce sont les mêmes qui se sont dédoublés ! En tous cas, les tiens y sont : le mystère se découvrira plus tard, dit Ben, qui, entrevoyant la vérité, ne voulait pas s’expliquer plus clairement, en ce moment-là.

Mais dis-moi, ajouta Ben, rêveusement ; quel rapport y a-t-il donc entre ta mère… qui, sans doute n’est pas morte (et ici il eut une hésitation et un faible soupir)… entre ta mère que tu croyais vivante, il y a trois jours encore, et cette riche succession dont tu m’as parlé, comme si tu étais orpheline ?

— Je ne sais de cette succession, si elle est riche ou pauvre ; et je l’abandonnerais avec tant de joie pour un baiser de ma mère, que je n’y ai jamais beaucoup arrêté ma pensée. Je sais seulement qu’au moment où ma mère s’est séparée de moi, elle pleurait beaucoup, et que ce n’était pas de bon gré qu’elle me quittait, m’a dit ma vieille Agathe : il paraît que nous courions toutes deux un grand danger… un danger qui est lié, sans que je sache comment, à cet héritage, et qui ne devait cesser qu’à mon mariage ou à ma majorité. Nous étions menacés par de méchantes gens qui nous recherchaient pour nous faire du mal ; et ma mère m’a confiée à Agathe, en lui recommandant de se cacher, et en disant qu’elle reviendrait, quand le danger serait passé, et que si elle ne revenait pas, je trouverais dans ces papiers le moyen de me faire rendre la fortune et le nom de mes parents. Il y a bien longtemps de cela et ma mère n’est pas revenue ; et cependant je sens là quelque chose qui me dit qu’elle n’est pas morte, que de loin elle veille sur sa fille, et que peut-être je ne tarderai pas à la revoir.