Ben n’avait pu entendre sans une cruelle émotion, l’expression de cette naïve assurance qui avait été si longtemps fondée et que, selon toute vraisemblance, le crime de l’hôtel Saint-André venait d’anéantir à jamais.
— Dis-moi encore, reprit-il d’une voix presque tremblante : Sais-tu quel est le véritable nom de ta mère ?
— Tout ce que je sais, répondit la jeune fille, se trouve dans cette lettre qui me vient d’elle et que j’ai tant de fois mouillée de mes larmes.
Et Jenny feuilletant rapidement la liasse de papiers étendue sur la table lui tendit une lettre usée et noircie que Ben lut tout haut, en tenant son amie par la main.
Cette lettre était ainsi conçue :
Ma bonne Agathe, je ne sais quand nous nous reverrons, ni si la Providence me prendra en pitié et permettra que nous nous revoyions jamais. Je me sens entourée d’espions, et une démarche imprudente pourrait être fatale à l’enfant chéri que nous sommes parvenus à cacher à tous les yeux. Je t’envoie quelques papiers indispensables pour assurer l’avenir de Jenny, dans le cas où je viendrais à mourir, sans avoir pu la serrer encore une fois dans mes bras.
Retiens bien ceci. Si tu ne veux pas t’exposer aux dangers que j’ai voulu conjurer, à tout prix, ces papiers doivent rester ignorés jusqu’après son mariage ou sa majorité. Lorsque cette époque sera arrivée, si elle ne m’a pas revue, c’est que je serai morte. À l’aide des pièces que je t’envoie, il lui sera facile d’entrer en possession de la fortune qui lui appartient et qui aura été la cause des malheurs de sa mère infortunée.
Julia Crampton ! s’écria Ben, avec une expression si étrange que Jenny ne put s’empêcher de tressaillir.
— Qu’as-tu donc, Ben ?