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chantant bien, afin d’en faire des actrices, l’ayant un jour entendue, fut frappé de sa beauté, et proposa aussitôt aux parents un marché qui fut immédiatement conclu.

Cynthia, comme autrefois la Patti, fut emmenée par cet étranger, qui lui fit donner des leçons ; et au bout de quelque temps, elle débuta dans un petit théâtre de New-York. Comme elle était fort jolie, elle eut du succès ; et son cornac lui prédit qu’elle ne tarderait pas à être reconnue pour une des reines de l’opérette. En attendant la réalisation de cet heureux horoscope, elle était déjà payée au prix des étoiles de seconde grandeur, qui est encore un bon prix, dans ce temps, où les chanteurs et les chanteuses sont mieux payés que les ministres et même que certains présidents de république.

Çynthia vivait au milieu du luxe et dépensait sans compter, lorsqu’un jour elle prit du froid, se soigna mal et contracta une grave maladie de poitrine, à la suite de laquelle elle perdit complètement la voix.

Force lui fut de renoncer aux rôles de prima dona. Elle n’était déjà plus de la première jeunesse, sa beauté avait souffert de cette longue maladie enfin, comme on dit vulgairement, elle avait fait son temps, et il ne lui restait de ses rêves de fortune et de grandeur que l’habitude du luxe et des plaisirs, et un nombre incalculable de dettes.

Alors elle essaya de se cramponner au théâtre qui ne voulait plus d’elle. Alors aussi commença pour elle ce long calvaire que tant d’autres ont suivi, cette décadence chaque jour plus irrémédiable d’une artiste qui a perdu sa beauté et son talent. Elle essaya des tournées et réussit à gagner quelque argent, grâce à une gigantesque réclame, en battant monnaie sur son ancienne renommée. Mais ces essais ne se renouvellent pas deux fois. Il lui fallut tomber dans une troupe de sixième ordre dont le directeur fit banqueroute, en laissant ses pensionnaires sans ressources. En quelques mois, elle passa du luxe le plus éclatant à une profonde misère.

Il fallut tout vendre, voitures, bijoux, toilettes, excepté cependant ce qui lui était nécessaire ; entre autre ce peignoir