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partirent, l’une pour demander de l’argent à Saarbrück et l’autre pour assurer M. le gouverneur-général d’Alsace, à Haguenau, que la trompette des hussards commandés par M. le baron de Krappenfels était incapable de continuer la campagne.

Lui-même écrivit encore quelques lignes en allemand au bas de mon attestation, afin de mieux expliquer la chose, et les gendarmes qui passaient tous les jours aux Trois-Fontaines, faisant le service de la poste, emportèrent les deux missives, que j’allai jeter moi-même à la boîte de la mairie.

À partir de ce moment, nous attendions de semaine en semaine une réponse qui n’arrivait pas.

Voyant les gendarmes de la poste passer régulièrement devant chez nous sans remettre le moindre petit paquet de florins ou de thalers, cela m’ennuyait plus qu’il n’est possible de se le figurer, et chaque fois je montais chez mon homme pour le regarder, dans le blanc des yeux et lui dire :

« Eh bien, monsieur le trompette, les jours se passent et les thalers ne viennent pas.

— Non, faisait-il, cela m’étonne ! j’en conçois même de grandes inquiétudes pour la santé de mon épouse.

— Sans doute, je suis comme vous, lui disais-je, ça ne me rassure pas du tout pour la santé de votre épouse, ni pour les thalers qui restent en route… On voit tant de filous dans le monde !

— Ah ! faisait-il, vous avez bien raison ; l’argent est sans doute resté dans quelque bureau de poste ; s’il tarde encore longtemps à venir, il faudra que j’écrive de nouveau. »

Le gueux n’avait jamais l’air de comprendre que je le soupçonnais ; sa figure calme m’embarrassait ; je me disais qu’un homme ne pouvait montrer un pareil aplomb s’il n’avait pas la conscience tranquille.

Te me reprochais même mon extrême méfiance, me rappe-