Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/100

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tait, soupirait ; ses larges épaules, un peu courbées, avaient quelque chose de touchant. Quand un homme est jeune et a le sang vif, quand son désir est prompt et ardent, et que tout lui est subordonné, alors il lui est très aisé de s’emparer de son objet, très dur et très amer d’y renoncer. Ils auraient pu être en route pour une foire ou un bal de la moisson, ou un souper de Noël, comme couple de fiancés, ou même aller à l’église pour faire publier leurs bans. (Oh, pensée défendue, douce pensée !) Ç’aurait pu être la porte du paradis, cette petite ville brillante et en désordre, c’était au contraire celle du désespoir. Ils ne se rendaient pas à une fête où se réalise un rêve. Ce n’était pas par un septembre doré, mais par un jour froid de printemps à son début, rien ne commençait, n’avait chance de commencer… aucun espoir de moisson pour son amour.

— Ah, Dieu me damne ! s’écria t-il.

Gillian eut une idée. Ce serait amusant, et en même temps une attention à l’égard de Robert. Ce serait chrétien, aussi chrétien… presque, qu’une des séances de prières de sa tante Fanteague.

— Robert, voudriez-vous venir avec moi jusqu’à l’embranchement pour y prendre le thé, et je partirais par le dernier train ?

— Oh, mon pauvre cœur ! murmura Robert.

— Je n’entends pas ce que vous dites. Parlez nettement. Je n’aime pas les messes basses.

— Je n’ose pas.

— Mais vous oserez bien venir ?

— Ma foi, dit Robert avec un regard de défi aux collines bleues de l’horizon, je ne vois pas pourquoi je n’irais pas.

— Nous jouerons à de jolis jeux de Mai, Robert. Il y a une boutique près de la gare où on vend, en été,