Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/134

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oiseau migrateur qui a son voyage tout tracé dans les profondeurs de son subconscient, ne saurait être aussi mystérieux que Robert quand il ne voulait pas parler. Elle se demandait quelquefois si le père de Robert aurait réussi à tirer un mot de lui. Puis elle soupirait, car plus il avançait en âge, plus il ressemblait à son père et plus elle l’aimait profondément. À l’époque où John Rideout lui faisait la cour, elle était tellement dominée par la sombre beauté des yeux de son fiancé que, quand il la quittait, elle s’accrochait, défaillante à la porte, et, aux minutes de ses pires révoltes, de ses plaintes les plus abondantes, il n’avait qu’à la regarder bien en face avec un : « Eh bien, ma fille, qu’est-ce qui te prend ? » pour que son cœur, comme elle disait, « ne fit qu’un tour », et que sa colère tombât et qu’elle ne trouvât plus rien à dire ! Aussi, chaque fois que Robert faisait, ou disait quelque chose lui rappelant, ces moments-là — des instants précieux et vrais, jamais connus avant, jamais depuis — elle lui était reconnaissante et elle envoyait promener les désirs de l’infortuné Jonathan, comme elle délogeait les poulets quand ils ne se perchaient pas à leur place.

Aussi, quand vint le samedi, avait-elle préparé pour Robert un bissac contenant du pain, du fromage, une bouteille de bière de ménage et il n’eut à surmonter aucune objection, sauf le « Ha ! » d’Isaïe, très énergique, il est vrai, mais bref. Et, à l’heure où les cloches matinales sonnaient à Silverton, — car il y avait deux « hautes églises » où se célébrait tous les jours un service quelconque dès la première heure — et où Gillian, plaçant sa dernière épingle à cheveux, songeait qu’il est bien agréable de ne se lever qu’à six heures, Robert se mettait en route à travers la lande.