— Je suis disposé à boire une goutte qui me remonte, dit-il. Ce fut sa seule allusion à ses sentiments personnels. Ils se mirent en route de bonne heure. Quand enfin, après une marche presque silencieuse, ils perçurent les fenêtres éclairées de La Sirène, Gillian demanda :
— Alors, les nouveaux propriétaires sont installés ?
— Oui, le diable les emporte.
— De quoi se compose la famille ?
— Deux hommes et une femme.
Quand ils passèrent devant la porte ouverte, Elmer guettait Robert, car il faisait encore clair dehors et de sa place il voyait la route.
— Vous entrez un peu ? dit-il, et cette jeune fille aussi ?
— Pas ce soir, Elmer, merci beaucoup, répondit Robert, et il poursuivit son chemin.
Ralph se mit à rire.
— À deux la promenade est douce, cria-t-il, bonne chance.
— Quel nom avez-vous dit ? interrogea Gillian.
— Ralph Elmer.
— Un nom qui sonne bien.
— Moi je le trouve affreux.
Pourquoi fallait-il que tout le monde l’accuse de faire un rêve impossible… son rêve le plus cher ? Il se le demandait. Sa figure avait mûri : il paraissait toujours plus vieux que son âge, car la pensée personnelle, comme l’eau courante, laisse ses traces.
Ils arrivaient aux prairies de Dysgwlfas, à la barrière de la ferme.
— Bonsoir, dit gravement Robert. Je veille sur vous jusqu’à ce que vous soyez entrée.
— C’est adieu pour toujours, Robert Rideout, dit-elle en prenant son sac.