Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/221

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— Oh, si c’est vous qui avez fait cette sauce, Mademoiselle Lovekin, j’en voudrais des assiettes pleines, dit sa voix, mais ses yeux disaient : « Je préférerais vos lèvres », et sa raison : « Tu es idiot, mon garçon. »

— Inutile, Elmer, intervint Isaïe, de faire tant de façons pour vous adresser à ma fille : vous pouvez l’appeler Gillian, tout à votre aise.

— Gillian, reprit Elmer, cela fait penser à des giroflées[1] : « Et vous êtes une fleur » disaient ses yeux à la jeune fille.

— J’aime bien une giroflée, dit Isaïe, s’emplissant la bouche de bœuf tout en parlant, une belle giroflée bien noire surpasse une rose.

— Elle surpasse n’importe quoi, renchérit Elmer, les yeux fixés dans ceux de Gillian.

Isaïe n’avait pas remarqué l’allégorie : il était tout à son dîner et laissait les paraboles à l’église et à la Bible.

— J’en ai vu une rouge, continua Isaïe, d’un rose rouge au concours agricole de la Croix-des-Pleurs, l’an dernier.

— J’en ai vu une rouge, moi aussi, dit Elmer, en regardant fixement les joues couleur de pivoine de Gillian.

— Où çà ?

Les yeux d’Elmer disaient : « Ici », mais sa bouche prononça : « J’ai oublié », pendant que son esprit grondait : « Ralph Elmer, tu es stupide. »

— Elle était moelleuse comme une bonne toison, reprit Isaïe. De la sauce, Gillian.

— Celle que j’ai vue, elle aussi, était douce comme une toison, dit Elmer, et d’un rose rouge, ravissante, à faire tourner la tête à n’importe qui. De la sauce pour moi également, Gillian.

  1. En anglais « gillie-flower »