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SEPT POUR UN SECRET…

les enfants. Mais ils n’en eurent jamais, parce qu’il ne prononça pas les mots qui l’auraient décidée à l’épouser. Dans les intervalles il songeait à ce qu’il dirait, mais une fois près d’elle il ne trouvait rien à dire. Alors, quand elle eut attendu à peu près dix ans, elle fut prise de phtisie et en mourut, et au bout d’une dizaine d’années encore, lui, tomba en enfance. C’était grand dommage, car ils auraient pu fonder une belle famille et laisser un beau souvenir.

— Enfin, bref, nous partons, Jonathan et moi, pour Silverton, dit Isaïe. Vous irez seul à la vente, Ralph. Nous serons de retour demain soir.

Sur quoi ils se mirent en route. Mais il s’écoula bien des jours avant qu’Isaïe ne rentrât, et, quant à Jonathan, il avait raconté sa dernière histoire et il ne revint jamais. Personne ne sut bien exactement ce qui était arrivé, mais, le soir de leur retour, juste en sortant de Silverton, Jonathan dut par erreur tirer sur la bonne rêne. Suivant son habitude bien établie, la jument se porta de l’autre côté, et la catastrophe depuis longtemps attendue pour Jonathan se produisit : quand on ramassa les débris de la voiture et des harnais, Jonathan n’avait plus besoin des soins d’Abigaïl. On aurait presque pu lire sur la face calme, passive et fataliste du pauvre diable le regret poignant de n’avoir pu vivre assez pour prendre part au repas de ses funérailles. Mais, soit qu’Isaïe fût tombé mollement, soit qu’il eût simplement de sa voix tonnante lancé son « Ha ! » à la mort, comme il avait fait au taureau de Dosset, et fait reculer le Prince des Ténèbres, en tout cas, on le releva vivant.

Et bien vivant il resta. On le ramena chez sa sœur, où Émilie n’avait pas cessé de rêver et où Mme Fanteague eut enfin presque assez à faire. Car il n’y avait