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SEPT POUR UN SECRET…

du cottage de sa mère, et c’est lui qui le fabriquerait, il le ferait avec du bon chêne bien sec, avec de l’amour et du labeur. Et il créerait aussi le bébé qu’on y coucherait. Par sa volonté à lui, et avec ou sans celle de Gillian, elle réaliserait la perfection, elle aurait le don entre tous les dons : elle vivrait et donnerait la vie. Et avec cette présomption, sans laquelle un jeune homme n’a pas une véritable personnalité, il sentait que ce n’était pas Gillian, toute riche qu’elle fût, qui dans cette affaire serait le créancier. Lui, Robert, le berger, serait le donateur, puisqu’il lui offrirait le présent royal que sont des enfants. Bien que l’humilité fût son habituelle disposition d’esprit quand il pensait à Gillian, il savait que, finalement, il en était et devait toujours en être ainsi.

Il était maintenant en pensée dans la cuisine : il croyait entendre la bascule, voir Gillian, une mèche de cheveux recouvrant sa cicatrice, avec son nez fier, sa bouche si douce et ses yeux provocants dans lesquels il ne pourrait jamais, jamais assez longtemps plonger les siens ; il voyait le berceau brun foncé, presque au ras du plancher, avec ses grands patins de bois, il voyait la petite forme qui y était couchée, avec la même bouche gracieuse, les mêmes yeux attirants.

Mais il savait tout ce temps qu’il ne faisait que jouer avec le Destin, que reculer le moment où il faudrait regarder la réalité en face, et cette réalité était celle-ci : Gillian aimait Ralph Elmer. Or, il n’y avait qu’un moyen de sauver celui-ci : il fallait qu’un autre prît sur lui le crime. Fringal ? Mais pourquoi ? Ce n’était pas lui le coupable. Il n’était pas juste d’essayer de faire retomber la faute sur une victime non consentante. D’ailleurs, Fringal pourrait sans aucun doute fournir un alibi. Deux hommes seuls n’en avaient pas à donner et l’un