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sept pour un secret…

— Et je l’aurais salué, comme fait la femme du pasteur, au Donjon : « Ravie de vous connaître, mais je ne permets aucune liberté. » Et je l’aurais défié de galoper à toute bride sans selle.

— Ah oui, vraiment, tu aurais fait ça ?

— Et s’il s’était tué en tombant, j’aurais dit : « Un imbécile de moins ». Mais s’il avait réussi, j’aurais sauté sur le cheval devant lui et j’aurais dit : « Mon bon monsieur, emportez-moi dans le monde et apprenez-moi à chanter, et je serai à vous pour toujours, perles, et robe ardoise, et tout ». Et s’il m’avait battue, je n’aurais rien dit, mais s’il n’avait pas su monter, j’aurais ri.

— J’ai aussi bien fait de ne pas t’emmener.

— Laissez-moi vous accompagner la prochaine fois, père, je vous en prie.

— Parée comme un perroquet, pour faire la belle avec les garçons ? Non pas, tu resteras ici, ma fille.

— Père !

— Hein ?

— Quand j’aurai appris à chanter comme il faut, je pourrai aller dans le monde, n’est-ce pas ?

— Non.

— Pourquoi ?

— Il faut que tu restes ici, à surveiller la maison.

Mme Makepeace peut s’en charger. Et si vous me permettez d’y aller, je reviendrai quand vous serez vieux et cassé, paralysé et atteint du « tic douloureux », clopinant avec deux cannes, les larmes dans les yeux, et sans personne pour vous aimer. Je viendrai en voiture, avec des souliers d’argent et une bourse pleine d’or, et peut-être un mari, ou peut-être pas ; j’entrerai avec un froufrou de soie, je verserai des pièces sur la table, je vous apporterai des oranges et des fruits