Aller au contenu

Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/70

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
48
sept pour un secret…

qu’il n’était indispensable. Et puis, il avait son rêve à suivre sur Dysgwlfas même. Tous les jours, dès le petit matin, ou sa besogne finie, il méditait sur cette lande qui s’étendait devant ses yeux, s’enveloppant en elle-même, ruminant son secret, rêvant à elle et à sa sombre histoire, à son passé vêtu de pourpre et à son avenir entouré d’un mystère vaporeux. La couleur qui se répand sur la bruyère quand elle est en pleine fleur, et qui ressemble au velouté d’une prune, figurait dans son rêve. La rumeur qui, par les tièdes et sombres soirées de printemps, court de la feuille qui pointe le long des veines de la tige jusqu’à la fleur qui attend, sommeillant dans la racine, une rumeur de pluie et de chaleur moite, et les langueurs mélodieuses d’un juin à venir, tout cela aussi faisait partie de son rêve. Vague sur vague de beauté se brisaient sur lui et le submergeaient. La merveille et la terreur qui régnaient dans tout cela pénétraient son âme avec une violence qui surgissait des couleurs et des parfums, comme une épée cachée dans des roses. Bien au delà de l’horizon bleu, c’était encore l’étendue marécageuse, le marais mystérieux, avec sa paix sauvage. C’est là que criaient les courlis, craintifs et solitaires au printemps. C’est de là que soufflait le vent pressant et vital. Et toujours, qu’il fût au marché ou à la chapelle, à la ferme ou à l’auberge, qui se dressait isolée dans la lande, il entendait — quels que fussent le temps et la saison — comme si c’était bien loin et tout au fond de sa conscience — le sifflement du vent d’hiver sur les arpents mornes et neigeux de Dysgwlfas. Il sentait qu’il existait entre ce pays et lui une sympathie, une sorte d’harmonie. Il fallait qu’il fît quelque chose pour lui, mais il ne pouvait deviner ce que c’était. Il avait aussi l’impression d’un vague présage dans ce pays de l’hiver, de quelque