Page:Webb - Sept pour un secret, 1933.djvu/87

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et qu’il adressa à « M. Gruffydd Conwy, aux bons soins de M. Cadwallador, épicier, au Donjon ».

La figure penchée sur son papier, ses cheveux noirs et souples et sa tête bien faite se détachant sur le mur blanc, il était joli à voir. Quand il levait son large front pour regarder l’horloge à la sonnerie d’or, le visage jaune qu’était le cadran semblait se féliciter, comme une femme qui aurait charmé ces yeux gris.

Robert, content d’avoir terminé sa lettre, tira un gobelet de bière au baril du garde-manger et se remit à tailler ses piquets. Cela fait, il tomba dans une méditation profonde, tandis que la lueur du feu qui baissait éclairait par en dessous son visage, accentuant la vigueur de sa mâchoire, les plis fins autour de ses yeux, ses tempes un peu creuses, et son nez ferme. Il devait être assis de même, seul et pensif, une autre nuit, à peu de temps de là, tandis que l’horloge ferait entendre son tic-tac étouffé, comme terrifié, et que la clarté rouge du foyer colorerait sa figure comme celle du soldat romain dans la gravure de Gillian. Peut-être, dès maintenant, son moi était-il en lui-même sur ses gardes et prêt.

Elle le quittait… allait-il lui demander d’écrire ? À quoi bon des lettres ? Ou bien on a l’âme même d’une personne près de soi ou on n’a rien. À quoi lui servirait-il, quand il aurait besoin de son rire, de ses accès de colère, quand il voudrait l’avoir là, sous ses yeux pour lui préparer des surprises, d’avoir une lettre, formaliste et guindée, disant qu’elle allait bien et que sa tante lui envoyait ses compliments ? D’ailleurs on ne permettrait pas à Gillian de lui écrire, puisque sa famille visait un homme d’Église.

— Il n’y a qu’un mot qui vaille, songeait-il : ce que j’éprouve pour cette enfant doit être « le secret que