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Page:Webster - La Duchesse de Malfi, 1893, trad. Eekhoud.djvu/80

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Entre FERDINAND

Ferdinand. — On a sonné le boute-selle ! Vite un nouveau cheval ! Ralliez l’avant-garde ou la journée est perdue. Rendez-vous, rendez-vous donc ! Je t’accorderai les honneurs, j’étendrai mon épée au-dessus de la tête, mais rends-toi !

Le cardinal. — A l’aide ! Je suis ton frère...

Ferdinand. — Diable ! Mon frère est passé à l’ennemi... (Il blesse le cardinal et dans la mêlée, en ferraillant, il porte aussi un coup mortel à Bosola. Voilà qui t’épargnera l’embarras de réunir ta rançon...

Le cardinal. — C’est le moment de l’expiation...

Ferdinand. — Vous tombez tous deux au champ d’honneur. La souffrance est relative : l’idée d’un mal plus grand suffit pour l’adoucir. Aussi la rage de dents est guérie par la vue seule du dentiste. Voilà de la philosophie à votre usage.

Bosola. — Achevons ma vengeance ! Tombe, toi le principal moteur de ma ruine. (Il frappe Ferdinand.) Les derniers moments de ma vie auront été les mieux employés.

Ferdinand. — Faites-moi la charité d’un peu debarbotage ; je suis poussif. Ce monde n’est qu’un chenil. On ne goûte de véritables jouissances et on ne jouit d’un réel pouvoir qu’après la mort.

Bosola. — Maintenant qu’il est à toute extrémité, on dirait qu’il revient à de bons sentiments...

Ferdinand. — Que nous tombions par l’ambition, par le meurtre ou par la volupté, toujours, comme les diamants, nous sommes tranchés par notre propre poussière. (Il meurt.)

Le cardinal — Tu as ton compte aussi...

Bosola. — Oui, mon âme fatiguée s’agite entre mes dents, impatiente de me quitter. Mais je jubile en te voyant, toi, pyramide énorme qui couvrais un empire de ta base, finir, là, misérablement, sans prendre plus de place que le cadavre d’un pendard.

Entrent PESCARA, RODERIGO, MALATESTA et GRISOLAN

PesCARA. — Eh bien, Seigneur ? Malatesta. — O funeste désastre Rodrigo. — Que s’est-il passé ?

Bosola — J’ai vengé la duchesse de Malfi assassinée par ses frères, Antonio immolé par mon propre bras ; Julia, la courtisane, empoisonnée par