Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/127

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ments des nations conquises par l’Allemagne ; et même il est désirable d’entraîner dans cette coopération les Espagnols, les Italiens et même les Allemands dont la conscience est sincèrement révoltée par l’hitlérisme. Ils pourront plus tard prendre part à la gestion des affaires publiques sur leur territoire, et éviter que leur peuple ne soit soumis aux excès de cruauté qui suivent d’ordinaire les excès de souffrance. La vague de haine qui secouera l’Europe après la défaite allemande sera un danger moral presque aussi grand que la vague de servilité de 1940.

Si le continent européen évitait la guerre civile par le simple effet de l’épuisement, il risquerait alors, sous l’effet du même épuisement, de perdre la tradition spirituelle qui lui est propre en cédant à l’influence communiste ou américaine. La seule ressource contre ce danger, c’est une fraternité d’armes solide établie dès maintenant entre l’Angleterre et le continent. Les Anglais doivent être sensibles à cette nécessité. Car les plus intelligents d’entre eux ne peuvent pas ignorer à quel point les États-Unis tendent à devenir le centre du monde anglo-saxon. Ils exercent déjà sur les Dominions une attraction irrésistible. Si leur influence devait bientôt dominer le continent européen, cela équivaudrait moralement pour l’Angleterre à une sorte de disparition.

Elle ne peut l’éviter qu’en participant avec le continent à une action commune de délivrance qui relègue au second plan l’importance militaire du dollar. Une organisation méthodique de la révolte sur le continent, accomplie avec l’aide de la flotte et de l’aviation anglaises, aurait probablement cet effet ; peut-être hâterait-elle la victoire dans une mesure bien plus grande qu’on n’oserait le supposer.

La nécessité est également vitale pour l’Angleterre et pour la France. Quelles que soient les différences de tempérament, les rivalités, les incompréhensions