Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/126

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titué par ceux qui, à l’instant suprême, ont choisi, sans un moment d’hésitation, la cause en apparence vaincue. Au début, et pendant assez longtemps, le seul fait que des hommes avaient fait ce choix et y invitaient la France tous les jours par leur parole suffisait ; la signification morale, la valeur de témoignage de cette attitude était alors décisive. Aujourd’hui, par bonheur, nous sommes entrés, militairement parlant, dans une période de réalisations. Il est désirable qu’à ce témoignage vienne s’ajouter une fonction concrète d’une importance correspondante.

Être le lien entre la stratégie générale des alliés et un mouvement de révolte en France qui serait une pièce essentielle de cette stratégie ; du même coup, vider méthodiquement la France de tous ceux qui peuvent se rendre plus utiles hors du territoire français ; cette fonction aurait l’importance désirable.

Enfin, autant que l’unité française, une certaine unité européenne sera, dans un avenir très prochain, une nécessité urgente, vitale. Cette unité ne se forgera pas après la victoire. La période d’après la victoire sera, comme toujours, propice aux divisions. L’unité ne peut se forger qu’auparavant, dans un combat commun. Les différents mouvements clandestins des territoires occupés ne constituent pas ce combat commun. Il faut une coopération dans une tâche qui, sinon par ses méthodes, du moins par ses effets, fasse partie de la guerre.

Autrement, il y a danger de guerre civile, non seulement pour la France, mais pour l’ensemble de l’Europe, après la défaite de l’Allemagne. Plus exactement, il y a danger que la guerre civile européenne, qui a commencé en Espagne en 1936, ne soit pas terminée par la défaite de l’armée allemande, mais continue avec une cruauté peut-être accrue.

Il faut, pour essayer de l’éviter, unir dès maintenant du haut en bas par la coopération les meilleurs élé-