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LA PERSONNE ET LE SACRÉ

COLLECTIVITÉ — PERSONNE — IMPERSONNEL
DROIT — JUSTICE


« Vous ne m’intéressez pas. » C’est là une parole qu’un homme ne peut pas adresser à un homme sans commettre une cruauté et blesser la justice.

« Votre personne ne m’intéresse pas. » Cette parole peut avoir place dans une conversation affectueuse entre amis proches sans blesser ce qu’il y a de plus délicatement ombrageux dans l’amitié.

De même on dira sans s’abaisser : « Ma personne ne compte pas », mais non pas : « Je ne compte pas. »

C’est la preuve que le vocabulaire du courant de pensée moderne dit personnaliste est erroné. Et en ce domaine, là où il y a une grave erreur de vocabulaire, il est difficile qu’il n’y ait pas une grave erreur de pensée.

Il y a dans chaque homme quelque chose de sacré. Mais ce n’est pas sa personne. Ce n’est pas non plus la personne humaine. C’est lui, cet homme, tout simplement.

Voilà un passant dans la rue qui a de longs bras, des yeux bleus, un esprit où passent des pensées que j’ignore, mais qui peut-être sont médiocres.