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LETTRES À MAURICE SCHUMANN

New York.30 juillet 1942.

Cher ami,

J’ai bien souvent entendu faire votre éloge en France. Vous y êtes extrêmement populaire. Chaque fois que j’entendais parler ainsi de vous, cela me causait de la joie, et je me souvenais de Henri IV et des bancs de la salle où nous écoutions Chartier.

Je me suis embarquée de Marseille, où j’avais séjourné un an et demi, pour New York, le 14 mai dernier. Malgré la pression de mes parents, qui désiraient échapper à l’antisémitisme et ne voulaient pas se séparer de moi, je ne serais jamais partie si j’avais su quelles difficultés on a à passer de New York à Londres.

J’avais une assez grande responsabilité dans la diffusion d’une des plus importantes publications clandestines de zone libre, Les Cahiers du Témoignage chrétien. J’avais le réconfort, parmi toute la tristesse environnante, d’avoir part à la souffrance du pays. Je connaissais assez mon espèce particulière d’imagination pour savoir que le malheur de la France me ferait beaucoup plus mal de loin que de près. C’est ce qui se produit, et l’écoulement du temps ne fait que