Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/194

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fait qu’Hitler a été le premier à le comprendre est une des principales causes de ses succès.

Hitler n’a jamais perdu de vue la nécessité essentielle de frapper l’imagination de tous ; des siens, des soldats ennemis et des innombrables spectateurs du conflit. Des siens, de manière à leur imprimer sans cesse une nouvelle impulsion vers l’avant. Des ennemis, de manière à susciter parmi eux le plus grand trouble possible. Des spectateurs, de manière à surprendre et faire impression.

Un de ses meilleurs instruments à cet effet, ce sont les formations spéciales, telles que les S.S., les groupes de parachutistes qui ont pénétré les premiers en Crète, d’autres encore.

Ces formations sont constituées d’hommes choisis pour des tâches spéciales, prêts non seulement à risquer leur vie, mais à mourir. C’est là l’essentiel. Ils sont animés d’une autre inspiration que la masse de l’armée, une inspiration qui ressemble à une foi, à un esprit religieux.

Non pas que l’hitlérisme mérite le nom de religion. Mais sans aucun doute c’est un ersatz de religion, et telle est une des principales causes de sa force.

Ces hommes sont indifférents à la souffrance et à la mort pour eux-mêmes et pour tout le reste de l’humanité. La source de leur héroïsme est une extrême brutalité. Les formations qui les groupent répondent parfaitement bien à l’esprit du régime et aux desseins de leur chef.

Nous ne pouvons pas copier ces procédés d’Hitler. D’abord parce que nous luttons dans un autre esprit et avec d’autres desseins. Puis parce que, lorsqu’il s’agit de frapper l’imagination, toute copie manque le but. Seul le nouveau frappe.

Mais si nous ne pouvons ni ne devons avoir des copies de ces procédés, nous devons avoir des équivalents. C’est une nécessité peut-être vitale.

Si les Russes ont jusqu’ici mieux tenu devant les Allemands que les autres peuples, une des causes est peut-être qu’ils possèdent des procédés psychologiques équivalents à ceux d’Hitler.

Nous ne devons pas non plus copier les Russes. Nous devons faire jaillir du nouveau. Cette capacité de jaillissement est par elle-même un signe de vitalité morale propre à soutenir les espérances des peuples qui comptent sur nous et à diminuer celles des ennemis.

On peut difficilement mettre en doute l’utilité des formations spéciales dont tous les membres ont accepté de mourir. Non seulement on peut confier à de telles formations des tâches auxquelles d’autres seraient moins aptes, mais leur existence même est pour l’armée un stimulant puissant et une source d’inspiration. Il faut