Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/193

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bien qu’il y a fort peu d’inconvénient à prévoir qu’un camion sur tel ou tel nombre aura une place réservée à une femme. Cela fait un fusil en moins, mais la présence de cette femme aurait une efficacité matérielle et morale qui ferait sans doute considérer cet inconvénient comme négligeable.

On peut craindre que même si l’expérience réussit avec un petit noyau, il soit impossible d’élargir le recrutement en raison de la difficulté de la tâche.

Mais même si une telle formation ne devait jamais comprendre plus de quelques dizaines de membres, ce qui est peu probable, les avantages seraient néanmoins très considérables.

De même, si au bout d’un temps donné la mortalité paraissait trop grande pour la continuation de l’expérience, les avantages de l’expérience accomplie subsisteraient et l’emporteraient de très loin sur l’inconvénient des pertes.

Ainsi les objections qui surgissent dans l’esprit à première vue devant un tel projet se réduisent à très peu de chose, on pourrait dire à presque rien, après un examen attentif. Au contraire les avantages sont d’autant plus manifestes et apparaissent d’autant plus grands qu’on les examine de plus près. Le premier, le plus évident réside dans la tâche même que ces femmes devraient normalement accomplir.

Étant présentes au lieu du plus grand péril, accompagnant les soldats sous le feu, ce que les brancardiers, infirmiers et infirmières ordinaires ne font pas, elles sauveraient dans bien des cas des vies de soldats en donnant à ceux qui tombent des soins sommaires, mais immédiats.

Le réconfort moral qu’elles apporteraient à tous ceux dont elles pourraient s’occuper serait également inestimable. Elles consoleraient des agonies en recueillant les derniers messages des mourants pour leurs familles ; elles diminueraient par leur présence et leurs paroles les souffrances de la période d’attente parfois si longue et si douloureuse qui s’écoule entre le moment de la blessure et l’arrivée des brancardiers.

Quand il n’y aurait que cela, ce serait déjà une raison suffisante pour constituer cette formation de femmes. Cet avantage seul est déjà considérable et n’est contrebalancé par presque aucun inconvénient. Mais il y a encore d’autres avantages liés à l’exécution de ce projet, qui du point de vue de la conduite générale de la guerre sont peut-être de première importance.

Pour les apprécier, il faut se souvenir à quel point les facteurs moraux sont essentiels dans la guerre actuelle. Ils jouent un rôle bien plus important que dans la plupart des guerres passées. Le