Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/201

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Ce n’est pas que je puisse mettre la mention « tala[1] » après ma signature. Cela ne m’est pas permis, car je ne suis pas baptisée.

Et pourtant il me semble qu’en la mettant je ne mentirais pas. (Je ne mentirais pas en tout cas en prenant le mot au sens étymologique.)

J’adhère totalement aux mystères de la foi chrétienne, de l’espèce d’adhésion qui me paraît convenir seule à des mystères ; cette adhésion est amour, non affirmation. Certainement j’appartiens au Christ. Du moins j’aime à le croire.

Mais je suis retenue hors de l’Église par des difficultés irréductibles, je le crains, d’ordre philosophique, concernant non pas ces mystères eux-mêmes, mais les précisions dont l’Église a cru devoir les entourer au cours des siècles, et surtout l’usage, à ce sujet, des mots anathema sit.

Quoique étant hors de l’Église, ou plus exactement sur le seuil, je ne puis m’empêcher d’avoir le sentiment qu’en réalité je suis quand même au-dedans. Rien ne m’est plus proche que ceux qui sont dedans.

C’est une position spirituelle difficile à définir et à faire comprendre. Il y faudrait des pages et des pages — ou un livre… Mais je dois me limiter maintenant à ces quelques mots.

Je suis heureuse de savoir que les gens des Cahiers du Témoignage chrétien sont vos amis. J’étais liée à ces milieux par une vive et profonde amitié. Je crois que c’est de loin ce qu’il y a de meilleur en France en ce moment. Puisse-t-il ne leur arriver aucun malheur.

Merci infiniment d’avoir parlé de moi à A. Ph. Je suis heureuse qu’il se soit montré bienveillant à mon égard. J’espère très, très vivement le voir ici s’il vient.

Je suis embarrassée pour vous dire ce que je crois

  1. Se dit en argot normalien des élèves catholiques pratiquants.