Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/214

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pensations artificielles et la recherche de n’importe quel stimulant. Puis beaucoup sont dans cet état sans qu’on le voie.

Pour en revenir à moi, les circonstances m’ayant automatiquement mis dans les mains cet ersatz de la sainteté, je sens l’obligation parfaitement claire d’en faire la règle de ma vie, quoiqu’il soit sans valeur, uniquement pour l’amour de l’article authentique. Non dans l’espoir de l’acquérir, mais simplement pour lui rendre hommage.

Je sens bien que si je manquais sérieusement à cette obligation, je tomberais rapidement dans les degrés extrêmes du mal et de la bassesse.

Si je lui reste rigoureusement fidèle, je suis encore loin au-dessous de ceux qui, possédant une vie intacte, gonflée de sève et d’aspirations normales au bonheur, en dépensent même la moindre parcelle pour la justice et la vérité.

Mais cela m’est égal, ou, plus exactement, j’en suis heureuse.

Je ne désire pour moi que d’être au nombre de ceux à qui il est prescrit de penser qu’ils sont des esclaves inutiles, ayant fait seulement ce qui leur était commandé.

J’ai peur jusqu’à l’angoisse d’être au contraire au nombre des esclaves indociles.

— Pour revenir aux moyens pratiques de l’éviter, je ne me vois guère expliquant aux gens du B.C.R.A. ma tactique à l’égard des mauvais traitements.

(J’espère ne pas vous avoir fait souffrir en vous l’exposant ainsi en détail. Mais, après tout, vous n’avez pas droit à plus de sensibilité pour moi que pour un petit paysan allemand — lequel peut valoir tellement mieux que moi, et être tellement plus innocent.)

Pour vous, j’espère que je me suis fait comprendre de vous, et que cette explication vous fournit toute la