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31-12-42.
Darlings,

J’avais voulu attendre pour vous écrire d’avoir des nouvelles de vous, et aussi que l’embouteillage des fêtes soit passé. Je n’ai eu aucune nouvelle (sauf la lettre du 13 novembre). Je vous avais fait télégraphier deux fois, après mon arrivée, étant dans l’impossibilité de le faire moi-même. Puis je vous ai télégraphié deux fois moi-même, la seconde en vous demandant des nouvelles par télégramme. Je n’ai rien reçu.

L’absence de nouvelles de vous ne fait de mal qu’à moi ; c’est donc sans importance. Mais j’ose à peine penser à la possibilité que vous soyez sans nouvelles de moi.

Je suppose que vous avez repris les démarches que vous aviez commencées à la Délégation pour l’Afrique du Nord. Si je pouvais avoir une influence, je vous conseillerais de rester à New York jusqu’à ce que cet univers se soit calmé. À une époque comme la nôtre, il est absurde de faire des plans pour la réunion des familles. Il vaut bien mieux supporter la séparation comme une nécessité provisoire.

Pour moi, si je savais que vous avez des nouvelles de moi et que vous n’êtes pas malheureux, la séparation ne me ferait pas de peine. Il est vrai que je ne le sais pas. Je ne sais même pas si vous êtes en vie. Il va de soi que je suis anxieuse. Mais je le serais bien davantage si vous recommenciez à voyager. L’euphorie qui nous avait poussés à nous complaire à ces projets de voyage n’était peut-être pas raisonnable. L’Amérique est quand même ce qu’il y a de plus sûr en ce moment ; et, si vous méprisiez la sécurité, il ne fallait pas quitter Marseille.

Pour moi, je suis très bien ici quant aux choses extérieures — excepté que la question du logement est difficile, et que je me trouve toujours dans un campement