Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/244

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Du moins on croirait. Mais aujourd’hui, dans les grandes villes, c’est plutôt l’inverse.

Vous ne vous plaindrez pas, aujourd’hui, que je ne parle pas d’alimentation…

Pour le stout, il y a une difficulté. Plusieurs des endroits où je mange n’ont pas de boissons alcoolisées ; et dans les pubs on ne mange pas. C’est comme ça, ici. Et je suis incapable d’avaler un grand verre de stout sans manger.

Vous ai-je jamais dit qu’un pub et un bistro, côte à côte, en diraient plus par leur contraste que beaucoup de gros volumes sur la différence des deux peuples, de leur histoire, de leur tempérament, de la manière dont s’y pose respectivement la question sociale ?

Un public-house est une affaire à compartiments cloisonnés (littéralement) qui donnent sur le même comptoir, mais n’ont l’un sur l’autre qu’une vue réduite à presque rien. Le personnel évolue d’une partie à l’autre du comptoir, séparé par ce comptoir du public des deux compartiments. Un compartiment est intitulé public-bar : on y trouve un ou deux bancs, parfois une table, un jeu de fléchettes ; les gens y sont presque tous debout, causant en groupes, chacun un énorme verre de bière dans la main ou à portée de la main. Ils sont très heureux. Un autre compartiment est nommé saloon ; il ressemble plus à nos cafés. Il y a de petites tables, des chaises rembourrées. On consomme exactement la même chose. On y semble moins heureux. C’est là, en principe, que vont les gens bien.

Parfois, il y a encore une ou deux autres cases.

Il y a là un symbole ; et, en le considérant, le symbole de quelque chose de très beau. Non pas relativement aux gens bien, évidemment. Relativement aux autres.

Ce peuple — qui a beaucoup de dignité — n’a pas