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à un moment où il aurait C. auprès de lui. Je télégraphierais à C. en même temps. S’il y avait lieu, je vous avertirais par câble.

Pas trop d’espoir !

Mille, mille et mille baisers pour tous deux, my darlings.

Simone.




4 août 1943
Darlings,

Les jours chauds sont revenus, coupés d’ondées torrentielles. Pas pour longtemps. On dit que septembre est souvent sec et ensoleillé ; mais probablement pas très chaud. Puis, c’est l’Angleterre grise, jusqu’au printemps.

Le soir, on danse en plein air dans les parcs. Les petites filles cockney pas sages vont tous les soirs se promener dans les parks et les pubs avec des boys — ramassés en cours de route — au grand désespoir de leurs mères, qui ne peuvent leur persuader d’aller plutôt à l’église. Elles ne voient pas à quoi ça sert.

Bien entendu, j’écris au pluriel en pensant au singulier. C’est une petite fille de dix-neuf ans, fraîche, saine, jolie, très gentille, qui vient faire le ménage. Je cause parfois un peu avec elle, malgré la différence de langue. Elle me tient souvent de longs discours où je ne puis saisir un mot, puis me demande mon avis ; j’approuve énergiquement, et je frémis en pensant quels blasphèmes ou propos immoraux j’ai pu approuver ainsi ! Je crois d’ailleurs qu’elle prend soin d’elle-même, avec les boys, comme elle le dit. Le plus clair de son temps libre, si les boys ne le prennent pas, va au coiffeur. Elle n’a pas deux idées dans la tête, ou plutôt pas une. Famille purement cockney. Quartier : City. Père : ouvrier des tabacs. Va au pub le dimanche