Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/73

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pour rendre facile et innocent l’acte de la prise du pouvoir sur le territoire libéré.

Pour exercer en fait le pouvoir pendant une période disons de deux ans, il doit se procurer un surcroît de légitimité.

Il peut y parvenir, par exemple, par la série de mesures que voici.

Il aurait lancé dès avant la victoire une Déclaration fondamentale susceptible de remplir la fonction que la Déclaration de 1789 a toujours été impuissante à remplir. Cette Déclaration serait destinée à inspirer la vie du pays. Elle se terminerait donc par un article stipulant que quiconque exerce une fonction impliquant un pouvoir de n’importe quelle nature sur des destinées humaines doit s’engager solennellement à la prendre comme règle de conduite, et sera puni s’il s’écarte gravement de son esprit.

Cette Déclaration serait diffusée, étudiée, discutée clandestinement en France dès avant la victoire.

Elle serait soumise à un plébiscite peu après la libération. Supposons qu’elle soit acceptée, ce qui semble presque certain si elle est bonne — et même, hélas, au cas contraire.

Le général de Gaulle prêterait serment d’être guidé exclusivement par son esprit. Il annoncerait qu’il est résolu à conserver le pouvoir comme un dépôt pendant la période — par exemple deux ans — nécessaire pour que le pays devienne capable de se forger lui-même une destinée. Il s’engagerait à préparer une Assemblée Constituante.

Mais tout cela ne serait rien. Voici le point essentiel. Lui et chacun de ses principaux collaborateurs s’engageraient à soumettre tous les actes de leur autorité provisoire, sans exception, à un tribunal désigné par l’Assemblée Constituante hors de ses membres, devant juger d’après l’esprit de la Déclaration fondamentale,