Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/78

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cendre de chez elle au milieu des hommes, ce sont ceux qui parmi les hommes ont leur attention et leur amour tournés vers elle.

Quoiqu’elle se trouve hors de l’atteinte de toutes les facultés humaines, l’homme a le pouvoir de tourner vers elle son attention et son amour.

Rien jamais ne peut autoriser à supposer d’un homme, quel qu’il puisse être, qu’il est privé de ce pouvoir.

Ce pouvoir n’est quelque chose de réel ici-bas qu’autant qu’il s’exerce. L’unique condition pour qu’il s’exerce, c’est le consentement.

Ce consentement peut être formulé. Il peut ne pas l’être, même intérieurement, ne pas apparaître clairement à la conscience, quoiqu’il ait réellement lieu dans l’âme. Souvent il n’a pas lieu en fait, quoiqu’il soit exprimé dans le langage. Formulé ou non, la condition unique et suffisante, c’est qu’en fait il ait lieu.

À quiconque en fait consent à orienter son attention et son amour hors du monde, vers la réalité située au-delà de toutes les facultés humaines, il est donné d’y réussir. En ce cas, tôt ou tard, il descend sur lui du bien qui à travers lui rayonne autour de lui.

L’exigence de bien absolu habitant au centre du cœur et le pouvoir, quoique virtuel, d’orienter l’attention et l’amour hors du monde et d’en recevoir du bien, constituent ensemble un lien qui attache à l’autre réalité tout homme sans exception.

Quiconque reconnaît cette autre réalité reconnaît aussi ce lien. À cause de lui, il tient tout être humain sans aucune exception pour quelque chose de sacré à quoi il est tenu de témoigner du respect.

Il n’est pas d’autre mobile possible au respect universel de tous les êtres humains. Quelle que soit la formule de croyance ou d’incroyance qu’il ait plu à un homme de choisir, celui dont le cœur incline à pratiquer ce respect reconnaît en fait une réalité autre