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que celle de ce monde. Celui à qui ce respect est en fait étranger, à celui-là l’autre réalité aussi est étrangère.

La réalité de ce monde-ci est composée de différences. Des objets inégaux y sollicitent inégalement l’attention. Un certain jeu de circonstances ou un certain attrait proposent la personne de quelques êtres humains à l’attention. Par l’effet de circonstances différentes et d’un certain manque d’attrait, d’autres êtres demeurent anonymes. Ils échappent à l’attention, ou, si elle est dirigée sur eux, elle ne distingue que des éléments d’une collectivité.

L’attention qui habite entièrement ce monde est entièrement soumise à l’effet de ces inégalités, et peut d’autant moins y être soustraite qu’elle ne le discerne pas.

Parmi les inégalités de fait, le respect ne peut être égal envers tous que s’il porte sur quelque chose d’identique en tous. Les hommes sont différents dans toutes les relations qui les lient à des choses situées en ce monde, sans aucune exception. Il n’y a d’identique en eux tous que la présence d’un lien avec l’autre réalité.

Tous les êtres humains sont absolument identiques pour autant qu’ils peuvent être conçus comme constitués par une exigence centrale de bien autour de laquelle est disposée de la matière psychique et charnelle.

L’attention orientée en fait hors du monde a seule contact en fait avec la structure essentielle de la nature humaine. Seule elle possède une faculté toujours identique de projeter de la lumière sur un être humain quel qu’il soit.

Quiconque a cette faculté a aussi l’attention orientée en fait hors du monde, qu’il s’en rende compte ou non.

Le lien qui attache l’être humain à l’autre réalité