Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/84

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morale ou autre attribuée à la personne considérée, ni à aucune condition quelle qu’elle soit.

La seule limite légitime à la satisfaction des besoins d’un être humain déterminé est celle qu’assignent la nécessité et les besoins des autres êtres humains. La limite n’est légitime que si les besoins de tous les êtres humains reçoivent le même degré d’attention.

L’obligation fondamentale envers les êtres humains se subdivise en plusieurs obligations concrètes par l’énumération des besoins essentiels de la créature humaine. Chaque besoin est l’objet d’une obligation. Chaque obligation a pour objet un besoin.

Il s’agit seulement des besoins terrestres, car l’homme ne peut satisfaire que ceux-là. Il s’agit des besoins de l’âme autant que de ceux du corps. L’âme a des besoins, et, quand ils ne sont pas satisfaits, elle est dans un état analogue à l’état d’un corps affamé et mutilé.

Le corps humain a surtout besoin de nourriture, de chaleur, de sommeil, d’hygiène, de repos, d’exercice, d’air pur.

Les besoins de l’âme peuvent la plupart être rangés en couples d’opposés qui s’équilibrent et se complètent.

L’âme humaine a besoin d’égalité et de hiérarchie.

L’égalité est la reconnaissance publique, exprimée efficacement dans les institutions et les mœurs, du principe qu’un degré d’attention égal est dû aux besoins de tous les êtres humains. La hiérarchie est l’échelle des responsabilités. Comme l’attention incline à se porter et à s’attarder en haut, des dispositions spéciales sont nécessaires pour rendre compatibles en fait l’égalité et la hiérarchie.

L’âme humaine a besoin d’obéissance consentie et de liberté.

L’obéissance consentie est celle qu’on accorde à une autorité parce qu’on estime qu’elle est légitime. Elle n’est pas possible à l’égard d’un pouvoir politique établi par conquête ou coup d’État, ni à l’égard d’un