Page:Weil - Écrits de Londres et dernières lettres, 1957.djvu/93

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comme membre d’une commission. C’est qu’on pense qu’il a du jugement, des connaissances ou la capacité d’en acquérir, et qu’il désire le bien public et la justice. Tout autre motif est mauvais.

L’intelligence humaine — même chez les plus intelligents — est misérablement au-dessous des grands problèmes de la vie publique. Cependant on s’ingénie à susciter artificiellement des situations qui ne peuvent que l’obscurcir. Avoir à se demander devant un problème politique quelconque : « Quelle est la solution la plus conforme à la raison, à la justice, au bien public », cela exige toute l’attention dont un esprit humain est capable et beaucoup davantage.

Si un homme doit se demander en plus : « Quelle obligation m’impose, relativement à l’attitude à prendre en face de ce problème, ma qualité de représentant de la majorité (ou de l’opposition) », il est perdu. Par la nature des choses, un même esprit ne peut pas en même temps se poser vraiment les deux questions. S’il se pose la seconde, il ne se posera que la seconde.

Des hommes uniquement soucieux du bien public peuvent être ou n’être pas capables de l’assurer. Mais en revanche il est tout à fait certain que là où personne n’a l’attention fixée sur le bien public il ne s’accomplira rien de conforme au bien public.

La conformité au bien public n’est assurée par aucun mécanisme. Une préoccupation intense et exclusive du bien public en est la condition absolument indispensable. Une Constitution est uniquement destinée à combiner les dispositions les plus propres à amener au pouvoir des hommes soucieux du bien public.

Si un pays est conduit à sa perte, on se demande quel réconfort il y a pour lui à y être conduit par les voies les plus rigoureusement parlementaires.

Une Constitution qui donne une existence officielle