Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/163

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quement. C’est là la merveille des merveilles, et comme la signature secrète de l’artiste.

On fait doublement tort à la mathématique quand on la regarde seulement comme une spéculation rationnelle et abstraite. Elle est cela, mais elle est aussi la science même de la nature, une science tout à fait concrète, et elle est aussi une mystique. Les trois ensemble et inséparablement.

Quand on contemple la propriété qui fait du cercle le lieu des sommets des triangles rectangles ayant la même hypoténuse, si on se représente en même temps un point décrivant le cercle et la projection de ce point sur le diamètre, la contemplation peut s’étendre très loin vers le bas et vers le haut. La connexion des mouvements des deux points, l’un circulaire, l’autre alternatif, enferme la possibilité de toutes les transformations de mouvement circulaire en alternatif, et inversement, qui sont la base de notre technique. Elle est l’étoffe même de l’opération par laquelle un rémouleur repasse des couteaux.

D’un autre côté le mouvement circulaire, si on conçoit non un point, mais un cercle entier tournant sur soi-même, est l’image parfaite de l’acte éternel qui constitue la vie de la Trinité. Ce mouvement constitue une opération sans aucun changement et qui se boucle sur soi-même. Le mouvement alternatif du point qui va et vient sur le diamètre, enfermé par le cercle, est l’image du devenir d’ici-bas, fait de ruptures d’équilibre successives et contraires, équivalent changeant d’un équilibre immobile et en acte. Ce devenir est bien la projection ici-bas de la vie divine. Comme le cercle enferme le point mobile sur le diamètre, Dieu assigne un terme à tous les devenirs d’ici-bas. Comme dit la Bible, il enchaîne les flots de la mer. Le segment de droite qui joint le point du