Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/169

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Tout fait avancer celui qui garde toujours les yeux fixés sur la clef. Il faut seulement la voir.

Il y a dans la vie humaine trois mystères dont tous les êtres humains, même les plus médiocres, ont plus ou moins connaissance. L’un est la beauté. Un autre est l’opération de l’intelligence pure appliquée à la contemplation de la nécessité théorique dans la connaissance du monde, et l’incarnation des conceptions purement théoriques dans la technique et le travail. Le dernier, ce sont les éclairs de justice, de compassion, de gratitude qui surgissent parfois au milieu de la dureté et de la froideur métallique des rapports humains. Ce sont là trois mystères surnaturels constamment présents en pleine nature humaine. Ce sont trois ouvertures qui donnent directement accès à la porte centrale qui est le Christ. À cause de leur présence il n’y a pas possibilité pour l’homme ici-bas d’une vie profane ou naturelle qui soit innocente. Il n’y a que la foi, implicite ou explicite, ou bien la trahison. Il faut parvenir à ne plus voir au-dessus des cieux et à travers l’univers autre chose que la médiation divine. Dieu est médiation, et toute médiation est Dieu. Dieu est médiation entre Dieu et Dieu, entre Dieu et l’homme, entre l’homme et l’homme, entre Dieu et les choses, entre les choses et les choses, et même entre chaque âme et elle-même. On ne peut passer de rien à rien sans passer par Dieu. Dieu est l’unique chemin. Il est la voie. Voie était son nom dans la Chine antique.

L’homme ne peut concevoir cette opération divine de la médiation, il peut seulement l’aimer. Mais son intelligence en conçoit d’une manière parfaitement claire une image dégradée, qui est le rapport. Il n’y a jamais autre chose dans la pensée, humaine que des rapports. Même les objets sensibles, dès qu’on en analyse la perception