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bout de quelque temps, à revenir sur ses pas et à se diriger quelque part ; il erre sans savoir où et, finalement, parvient au point où Dieu l’attend pour le manger.



Conte écossais du « Duc de Norvège »


(Ce conte se retrouve dans le folklore russe, allemand, etc.)


Un prince (nommé ici « duke o’Norroway » ) a, le jour, une forme animale et, la nuit seulement, une forme humaine. Une princesse l’épouse. Une nuit, lasse de cette situation, elle détruit la dépouille animale de son mari. Mais alors il disparaît. Elle doit chercher.

Elle le cherche sans fin, marchant à travers des plaines et des forêts. Au cours de sa marche errante, elle rencontre une vieille femme qui lui fait don de trois noisettes merveilleuses à utiliser en cas de détresse. Elle erre encore très longtemps. Enfin elle trouve un palais où est le prince son époux, sous sa forme humaine. Mais il l’a oubliée et va dans quelques jours épouser une autre femme. La princesse, après son interminable voyage, est dans un état misérable, en haillons. Elle entre au palais comme fille de cuisine. Elle brise une des noisettes, y trouve une robe merveilleuse. Elle offre cette robe à la fiancée en échange du privilège de passer une nuit entière avec le prince. La fiancée hésite, puis, séduite par la robe, accepte ; mais elle fait boire au prince un narcotique qui le tient endormi toute la nuit. Pendant qu’il dort, la fille de cuisine, qui est sa véritable épouse, est à ses côtés et chante sans arrêt :


Far hae I sought ye, near am I brought to ye ;
Dear Duke o’Norroway, will ye return and speak to me ?

Loin je t’ai cherché, proche de toi j’ai été amenée ;
cher Duc de Norvège, veux-tu te tourner et me parler ?


Elle chante till her heart was like to break, and over