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obtus, des lignes inégales, mais seulement un cube, de même en éprouvant n’importe quel événement dans le monde et n’importe, quel état d’âme en nous-mêmes nous devons à peine les apercevoir, mais voir à travers tout cela uniquement un ordre du monde fixe et toujours le même, qui n’est pas une forme mathématique, mais une Personne ; et cette Personne est Dieu.

Comme un enfant apprend l’exercice des sens, la connaissance sensible, la perception des choses qui l’entourent, comme plus tard il acquiert les mécanismes de transfert analogues qui sont liés à la lecture ou à la sensibilité nouvelle qui accompagne le maniement des outils, de même l’amour de Dieu implique un apprentissage. Un enfant sait d’abord que chaque lettre correspond à un son. Plus tard, en jetant les yeux sur un papier, le son d’un mot lui entre directement dans la pensée par les yeux. De même nous commençons d’abord par savoir abstraitement qu’il faut aimer Dieu en toute chose. Plus tard seulement la présence bien-aimée de Dieu entre à chaque seconde au centre de notre âme à travers tous les incidents grands ou petits qui composent le tissu de chaque journée. Le passage à cet état est une opération analogue à celle par laquelle un enfant apprend à lire, par laquelle un apprenti apprend un métier, mais analogue surtout à celle par laquelle un enfant tout jeune apprend la perception des choses sensibles.

On donne aux tout jeunes enfants, pour les aider, des objets de forme régulière et faciles à manier, à explorer, à reconnaître, comme des balles et des cubes. De même Dieu facilite l’apprentissage des hommes en leur donnant, dans la vie sociale, les pratiques religieuses et les sacrements, et dans l’univers inanimé la beauté.

Toute la vie humaine, la vie la plus commune, la plus