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que ce mouvement seul est divin, et que les astres sont, dit-il, des images de la divinité sculptées par la divinité elle-même. Platon a presque certainement en vue cette composition des mouvements quand il parle de l’Autre, rebelle à l’unité, harmonisé par contrainte avec le Même. Le soleil, dans son mouvement unique, est entraîné à la fois par le cercle de l’équateur et par celui de l’écliptique, qui correspondent au Même et à l’Autre ; et cela ne fait qu’un seul mouvement.

Dans la période suivante de la science grecque, Ptolémée reproduisait, sous une forme beaucoup plus grossière, le système d’Eudoxe ; Apollonius continua les découvertes de Ménechme sur les coniques et Archimède celles d’Eudoxe sur l’intégration.

De plus, Archimède fonda la mécanique et la physique. La partie de la mécanique qu’on nomme statique se trouve chez lui presque achevée, à savoir la théorie de la balance ou levier — cela revient au même — et celle du centre de gravité qui découle de la première. La théorie de la balance, qui est chez lui rigoureusement géométrique, repose entièrement sur la proportion. Il y a équilibre quand le rapport des poids est l’inverse du rapport des distances de ces poids au point d’appui. C’est pourquoi la liturgie peut dire en toute rigueur que la croix fut une balance où le corps du Christ a fait contrepoids au monde. Car le Christ appartient au ciel, et la distance du ciel au point de croisement des branches de la croix est à la distance de ce point à la terre comme le poids du monde est à celui du corps du Christ. Archimède disait : Donne-moi un point d’appui et je soulèverai le monde. Pour accomplir cette parole, il fallait deux conditions. D’abord que le point d’appui lui-même n’appartînt pas au monde.