Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/28

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le cours de l’univers, dont la fin est éminemment transcendante et non représentable, puisque c’est Dieu lui-même. L’art est donc l’unique terme de comparaison légitime. De plus cette comparaison seule mène à l’amour. On se sert d’une montre sans aimer l’horloger, mais on ne peut pas écouter avec attention un chant parfaitement beau sans aimer l’auteur du chant et le chanteur. Réciproquement, l’horloger n’a pas besoin d’aimer pour faire une montre, au lieu que la création artistique (celle qui n’est pas démoniaque, mais simplement humaine) n’est pas autre chose que de l’amour.


28 c

29 a

Le créateur et le père de cet univers, c’est un travail de le trouver et celui qui l’a trouvé n’a pas la possibilité de l’exposer à tous. Examinons donc encore à son sujet lequel des deux modèles a choisi le charpentier pour l’exécuter, celui qui est identique à soi et tel qu’il est, ou celui qui passe. Si ce monde est beau, si l’artiste est bon, évidemment il a regardé vers l’éternel ; dans le cas qu’il n’est même pas permis de dire, vers celui qui passe. Il est tout à fait manifeste que c’est vers l’éternel. Car l’un est la plus belle des œuvres, l’autre le plus parfait des auteurs. Ainsi ce monde engendré a été exécuté d’après l’être identique saisi par l’intelligence et la raison.


29 d

30 a

Disons maintenant pour quelle cause le compositeur a composé un devenir et cet univers. Il était bon, et, en qui est bon, en aucun cas, d’aucune manière, jamais il ne se produit d’envie. Étant sans envie il a voulu que toutes choses se produisent le plus possible proches de lui-même… Dieu a voulu que toutes choses soient bonnes et qu’aucune chose ne soit privée de la valeur qui lui est propre…


30 b

31 b

Il faut dire que ce monde est un être vivant, qui a une âme, qu’il est un être spirituel, et qu’en vérité il a été engendré tel par la Providence de Dieu.

Cela admis, ce qu’il faut dire ensuite c’est celui des êtres