Aller au contenu

Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vivants à la ressemblance duquel le compositeur a composé le monde. Ce n’est aucun de ceux qui sont essentiellement partiels. Ce serait chose indigne, car ce qui ressemble à l’imparfait ne peut pas être beau. Celui qui contient les êtres vivants, considérés individuellement et dans leurs espèces, comme des parties, c’est à lui que le monde est tout à fait semblable. Cet être contient en lui tous les esprits vivants ; de même le monde comprend en lui nous-mêmes et tous les vivants visibles. Car Dieu a voulu qu’il ressemblât entièrement à celui des êtres spirituels qui est absolument beau et, à tous égards, absolument parfait ; et il a composé un être vivant visible, unique, ayant à l’intérieur de lui tous les êtres vivants qui lui sont parents par nature… Pour que, par l’unité, il fût semblable à l’être absolument parfait, pour cette raison le créateur n’a pas créé deux mondes ou des mondes innombrables ; mais il est né, il existe, il existera un seul ciel que voici, qui est fils unique.


Platon, quand il dit le monde ou le ciel, veut dire essentiellement l’âme du Monde ; de même que, quand nous nommons un ami par son nom, nous avons dans l’esprit son âme et non son corps. Cet être que Platon nomme l’Âme du Monde est le Fils unique de Dieu ; Platon dit « monogenès » comme saint Jean. Le monde visible est son corps. Cela n’implique aucun panthéisme ; il n’est pas dans le monde visible de même que notre âme n’est pas dans notre corps. Platon le dit explicitement ailleurs. « L’Âme du Monde est infiniment plus vaste que la matière, contient la matière et l’enveloppe de toutes parts (34, b). Elle a été engendrée avant le monde visible, avant qu’il y eût un temps, par suite, de toute éternité (34, c). Elle commande au monde matériel comme le maître à l’esclave. Elle contient en elle-même la substance de Dieu unie au principe de la matière.

Le Modèle à la ressemblance duquel l’Âme du Monde