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ment, on verrait peut-être dans ces lignes une prophétie. Par cette prodigieuse combinaison de symboles, Platon fait apercevoir dans le ciel même et dans le cours des jours et des saisons, une image à la fois de la Trinité et de la Croix.


36 c

Quand le compositeur eut suscité selon sa pensée toute la composition de l’Âme (du Monde) ensuite il étendit à l’intérieur tout l’univers corporel et il les ajusta en faisant coïncider les centres. L’Âme, il étendit à partir du centre de toutes parts jusqu’aux confins du ciel, et il en enveloppa toute la sphère du ciel par dehors. L’Âme, tournant sur elle-même, commença le commencement divin d’une vie inextinguible et sage pour la totalité des temps. Et le corps visible du ciel naquit ; et elle, âme invisible qui a part à la proportion et à l’harmonie, née comme la perfection des esprits engendrés de la perfection des esprits éternels.


Ces deux pluriels ne doivent pas tromper. Leur raison d’être est purement grammaticale ; ils sont amenés par les superlatifs. Ils n’empêchent pas le Père et le Fils d’être uniques.

Ce passage montre que dans le mythe de Phèdre, quand Zeus passe de l’autre côté du ciel pour prendre son repas, c’est son Fils unique qu’il mange, et qu’il s’agit d’une transposition en Dieu de la communion. Les âmes bienheureuses aussi le mangent.

La participation de l’Âme du Monde à la proportion et à l’harmonie ne doit pas s’entendre seulement de la fonction ordonnatrice du Verbe. Elle doit s’entendre en un sens bien plus profond. Proportion et harmonie sont synonymes. La proportion est le bien établi entre deux nombres par une moyenne proportionnelle ; ainsi 3 établit une proportion entre 1 et 9, à savoir 1/3 = 3/9. L’harmonie est définie par les Pythagoriciens comme l’unité