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Cette composition, c’est la substance de l’Âme du Monde, faite d’une synthèse de la substance divine elle-même et du principe de la matière.

Tout à l’heure, Platon a dit que l’Âme du Monde, le Fils unique, est un Dieu heureux, connu et aimé lui-même de lui-même. Autrement dit, il a en lui la vie bienheureuse de la Trinité. Mais ici Platon montre ce même Dieu déchiré. C’est le rapport avec l’espace et le temps qui constitue ce déchirement, qui est déjà une sorte de Passion. Saint Jean aussi dans l’Apocalypse (13, 9) parle de l’Agneau qui a été égorgé depuis la constitution du monde. Les deux moitiés de l’Âme du Monde sont croisées l’une sur l’autre ; la croix est oblique, mais c’est quand même une sorte de croix. Mais en face du point de croisement, elles sont rejointes et soudées, et le tout est enveloppé par le mouvement circulaire, mouvement qui ne change rien, qui se boucle sur soi-même ; image parfaite de l’acte éternel et bienheureux qui est la vie de la Trinité.

Les deux cercles qui servent ici d’image à Platon sont celui de l’équateur qui détermine le mouvement diurne du ciel des étoiles fixes, et celui de l’écliptique qui détermine le mouvement annuel du soleil. Le point de croisement des deux cercles est celui de l’équinoxe du printemps (le fait que l’aimée chez les anciens commençait dans beaucoup de pays au printemps, jamais, je crois, en automne, empêche de supposer qu’il soit question de l’équinoxe d’automne). Le point de l’équinoxe de printemps était du temps de Platon dans la constellation du Bélier, le soleil se trouve en ce point au moment de Pâques et la lune au point équinoxial opposé. Si on lisait Platon avec le même état d’esprit que l’Ancien Testa-