Page:Weil - Intuitions pré-chrétiennes, 1951.djvu/34

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Non pas ici le Verbe incarné dans un être humain, mais le Verbe comme ordonnateur du monde, en tant qu’incarné dans l’univers entier. Nous devons reproduire en nous l’ordre du monde. Là est la source de l’idée de microcosme et de macrocosme qui a tellement hanté le Moyen-Âge. Elle est d’une profondeur presque impénétrable. La clef en est le symbole du mouvement circulaire. Ce désir insatiable en nous qui est toujours tourné vers le dehors et qui a pour domaine un avenir imaginaire, nous devons le forcer à se boucler sur soi-même et à porter sa pointe sur le présent. Les mouvements des corps célestes qui partagent notre vie en jours, en mois et en années sont notre modèle à cet égard, parce que les retours y sont tellement réguliers que pour les astres l’avenir ne diffère en rien du passé. Si nous contemplons en eux cette équivalence de l’avenir et du passé, nous perçons à travers le temps jusque dans l’éternité, et, étant délivrés du désir tourne vers l’avenir, nous le sommes aussi de l’imagination qui l’accompagne et qui est l’unique source de l’erreur et du mensonge. Nous avons part à la rectitude des proportions, où il n’y a aucun arbitraire, par suite aucun jeu pour l’imagination. Mais ce mot de proportion évoque sans doute aussi l’Incarnation.


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Il faut aussi ajouter à cet exposé ce qui se produit par nécessité. Car la production de ce monde s’est opérée par une combinaison composée à partir de la nécessité et de l’esprit. Mais l’esprit règne sur la nécessité par la persuasion. Il lui persuade de pousser la plupart des choses qui se produisent vers le meilleur. C’est de cette manière, selon cette loi, au moyen de la nécessité vaincue par une persuasion sage, c’est ainsi que dès l’origine a été composé cet univers.


Ces lignes rappellent la conception chinoise sur l’ac-